Découvrir les Eglises wallonnes des Pays-Bas

Une Église protestante originale, résolument francophone, qui s’inscrit en droite ligne dans l’héritage huguenot du Refuge : c’est l’Église wallonne d’Utrecht.

 

A l’occasion d’un passage à Utrecht (Pays-Bas), en mai 2022, l’opportunité s’est présentée de découvrir une Église protestante originale, résolument francophone, qui se réunit chaque dimanche pour le culte dans la plus vieille Église de la ville, l’Église Saint Pierre. Son nom ? L’Église wallonne d’Utrecht (Waalse Kerk en néerlandais). Rattachée à un réseau d’une grosse douzaine d’Églises, elle s’inscrit en droite ligne dans l’héritage huguenot du Refuge.

Premier refuge (Tournai)

Mais avant même le Refuge huguenot, c’est une première diaspora francophone, arrivée un siècle auparavant, qui est à l’origine de l’Église wallonne des Pays-Bas. Il s’agit des protestants de Tournai, en Wallonie, venus se réfugier plus au Nord. Dès 1583, une Église réformée wallonne d’Utrecht naît ainsi, sous le sceau du refuge, accueillant des protestants francophones venus de ce qui correspond aujourd’hui au territoire de la Belgique.

Second refuge (Huguenots)

Après la Révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV en 1685, une nouvelle séquence s’ouvre. Le grand Refuge jette alors sur les routes de l’exil, en quelques années, environ 200.000 protestants du Royaume de France, empêchés de vivre désormais leur foi sur leur terre natale. C’est le second Refuge, et le plus important numériquement. Il est à la source du développement des Églises wallonnes francophones à Utrecht et dans de nombreuses villes néerlandaises.

Car les Provinces Unies (Pays-Bas aujourd’hui) ont été la principale terre accueil de ces huguenots venus de France. Environ 75.000 d’entre eux auraient trouvé, aux Pays-Bas protestants, le havre pour retrouver l’espoir et reconstruire leur vie. Tous ne sont pas restés. Les Provinces Unies, plus encore que Frankfort, sont alors une plaque tournante, permettant de réémigrer facilement. Mais une très robuste présence protestante francophone issue du Refuge huguenot s’est maintenue.

La grande majorité de ces protestants français s’est peu à peu intégrée dans les églises néerlandaises protestantes existantes. Mais d’autres ont tenu à conserver vivante leur pratique cultuelle de la langue française, structurant peu à peu un réseau significatif d’Églises protestantes francophones, toutes très attachées à leur particularisme linguistique. Accueil, lectures de Bible, sermon, chants, liturgie, prière, tout est fait en langue française.

Troisième refuge (Africains francophones)

A leur apogée, ces Églises wallonnes francophones des Pays-Bas sont au nombre de 80. Elles sont aujourd’hui réduite à treize, et sont localisées à Amsterdam, Arnhem, Breda, Delft, Dordrecht, Groningue, Haarlem, La Haye, Leyde, Middelbourg, Rotterdam, Utrecht, Zwolle-Maastricht. Conscientes de la nécessité de renouveler leur vivier, ces Églises de théologie calviniste tablent aujourd’hui sur ce qu’elles appellent un « troisième Refuge » : le défi d’accueillir les migrants africains francophones et protestants qui arrivent aux Pays-Bas. Entre le désir et la réalité, il y a un écart…. Mais la vitalité des communautés actuelles, même petites en taille, augurent d’une capacité d’adaptation aux réalités de la francophonie du XXIe siècle.

Disposant d’un beau site internet en français, avec une rubrique historique[1], elles proposent aussi un bulletin mensuel très agréable, combinant informations et réflexions, y compris parfois extraites de la presse protestante française[2].

Accueil, théologie de la grâce, accent sur la Bible, inclusivité et volonté d’articuler foi et enjeux contemporains caractérisent ces assemblées.

Dans un pays vulnérable à la montée des eaux, particulièrement préoccupé par les conséquences concrètes du dérèglement climatique sur le niveau de la mer, l’attention portée à l’environnement constitue un axe d’engagement fort. Dans le bulletin des Eglises wallonnes de mai 2022, on peut ainsi lire : « Nous considérons l’appel à devenir Église verte comme une mission en vue de la sauvegarde de la création, la préservation et la durabilité des ressources terrestres. Nous redisons notre vision d’un monde de paix, de justice et d’amour : cela signifie entre autres l’engagement de l’église, de nos paroisses et de nos communautés à respecter la vie dans toutes ses manifestations »[3]

Le désir de cultiver des passerelles avec d’autres espaces francophones est très marqué aussi, à l’image de la Commission « Mission, Diaconie, Œcuménisme », actuellement présidée par le pasteur Out, de l’Église wallonne de La Haye.

Autre témoignage de cet attachement à travailler les liens de la francophonie: depuis 2020, les Églises wallonnes des Pays Bas ont rallié la CEEFE (Communauté des Églises Francophones à l’Étranger), dont le directeur actuel est le Français Christian Seytre. Ouvrant de nouvelles potentialités d’échange, et, pourquoi pas, de jumelages.

 

[1] https://www.egliseswallonnes.nl/fr/histoire/

[2] Cf. la reproduction d’un éditorial de Jean-Marie de Bourqueney intitulé « Le rite est fondamental », Écho Wallon, Bulletin des Églises wallonnes aux Pays-Bas, mai 2022/5, p.18 et 19.

[3] « Confession de foi environnementale », cité par le pasteur Dewandeler dans Echo Wallon, Bulletin des Églises wallonnes aux Pays-Bas, mai 2022/5, p.22

Echo wallon