Prisca Raoilison, diplômée d’un Master en musicologie, a étudié le rôle moteur de l’Eglise Hillsong en matière de musique de louange ainsi que son rapport à la francophonie.
Dans la famille des méga-Eglises francophones, la petite dernière, Hillsong Paris, frappe à la porte. Avec environ 1600 fidèles présents chaque week-end, elle se rapproche du seuil de définition d’une megachurch. Grâce à Prisca Raoilison, auteure d’un excellent mémoire de Master en musicologie (1), on en apprend davantage sur cette Eglise, son rôle moteur en matière de musique de louange, et son rapport à la francophonie. Entretien.
Prisca Raoilison, pouvez-vous vous présenter ?
J’ai 23 ans et je suis fraîchement diplômée de l’université Sorbonne à Paris. J’y ai effectué un master de recherche en musique et musicologie.
Mon mémoire de fin d’études porte sur les musiciens d’Hillsong Paris, mon église. J’ai grandi dans un environnement familial chrétien évangélique : mes parents sont pasteurs, spécialisés dans l’évangélisation. Depuis leur conversion à Madagascar, cela se voit au quotidien ; par exemple, au détour d’un restaurant, avec mes frères et sœur, nous avons été témoins de la conversion du serveur évangélisé par mon père ! C’est le genre d’enfance que j’ai eu. Actuellement, je suis impliquée, entre autres, dans l’équipe de louange en tant que pianiste dans mon église locale Hillsong Paris.
Vous avez travaillé sur Hillsong Paris; Quelles sont les particularités de cette église?
L’église Hillsong Paris est une grande église évangélique, qui remplit la plupart des critères qui définissent une megachurch (en français « méga-église »). Elle se réunit actuellement dans la capitale au 14-20 rue de la Gaîté (théâtre Bobino) et déménage ce 24 octobre 2021 au 30, av d’Italie (théâtre du 13e art). Elle provient de la megachurch Hillsong Church en Australie, fondée par Brian et Bobbie Houston en 1983. La plus grande particularité de cette église est son mandat pour la louange musicale. Dans le milieu chrétien, elle exerce une influence musicale incontestable. Beaucoup de croyants connaissent Hillsong grâce à ses trois groupes de musiques australiens : Hillsong Worship, Hillsong United et Hillsong Young & Free. Chaque année, ils composent des albums et alimentent le répertoire musical de leur église, voire de l’Église avec un grand E. Comme indiqué sur leur site internet, près de 50 millions de personnes à travers le globe chantent leurs chants chaque semaine, dans 60 langues différentes (2) !
Depuis sa création, la megachurch a implanté plusieurs « églises filles » dans de nombreux pays. C’est en 2005 qu’Hillsong Paris est née en France. L’église a commencé par une réunion de quatre personnes, et a rapidement grandi. Elle se rapproche du seuil de 2 000 personnes assistant à ses cultes dominicaux.
Toute une organisation régit Hillsong Paris. Brendan et Camille White sont les pasteurs principaux. Sous l’autorité de Brian et Bobbie Houston, ils sont assistés par une équipe d’autres pasteurs, de responsables, d’un personnel (un staff) ainsi que d’une centaine de bénévoles. Tous ensemble assurent le fonctionnement de l’église, que ce soit lors des cultes ou des divers activités en semaine. Car oui, en dehors du dimanche, toute une vie d’église anime cette communauté : des groupes de maison pour tous les âges, en passant par les entraînements de sport, les sorties after work, jusqu’aux cultes de jeunes… Il y en a pour tous les goûts !
Ces aspects définissent ce qu’est une megachurch de manière générale… Mais ce qui m’a poussé à étudier cette église parisienne, c’est la manière dont sont réalisés les cultes où l’apport musical est assez conséquent et singulier, et, me semble-t-il, constitue un intérêt scientifique dans le domaine de la musicologie.
Hillsong Paris vise la francophonie. Qu’est-ce-que cela veut dire ? Pouvez-vous nous en dire plus ?
La mission et la vision de l’« église mère » en Australie, rédigées par Brian Houston, s’appliquent également à Hillsong Paris : « Atteindre et influencer le monde en construisant une grande église basée sur la Bible et centrée sur Christ ». Un des objectifs d’Hillsong Church est d’implanter des églises partout dans le monde (L’église que je vois maintenant, Brian Houston, 2014). C’est dans cette perspective que la megachurch vise la francophonie. En réalité, cela ne s’arrête pas à la capitale de l’hexagone, mais va bien au-delà. La grande église Hillsong touchant la francophonie est en fait Hillsong France, qui regroupe l’église à Paris, mais aussi en région parisienne à Massy, à Lyon, à Marseille, à Genève et au Luxembourg. Plus encore, Hillsong France se donne la responsabilité d’équiper l’Église francophone (avec un grand E) grâce à ses chants de louange.
Votre travail porte plus spécifiquement sur la production musicale. Comment fonctionne-t-elle à Hillsong ?
J’ai axé mon travail sur la contribution des musiciens de l’église Hillsong Paris lors du culte. Beaucoup disent que ces cultes sont semblables à des concerts. Hillsong reprend effectivement les codes culturels de la société occidentale, celle de la culture populaire (la pop culture) : de la musique pop rock, teintée de sonorités electros, jouée sur une grande scène, où est disposée une multitude de projecteurs, à l’intérieur d’un théâtre parisien,…
En fait, il y a une volonté d’accessibilité, d’aller chercher le croyant dans ce qu’il connait et ainsi présenter une foi chrétienne qui n’est en aucun cas réservé à un certain type de personne, à une « élite », à un type d’environnement socio-culturel, comme l’histoire du christianisme a pu le refléter au fil des siècles. Au contraire, se rappeler que Jésus-Christ veut se faire connaître au plus grand nombre.
Pour ce faire, Hillsong Paris se donne les moyens de produire ses cultes avec excellence, comme ils aiment le dire. Dans la semaine, l’équipe de louange répète les chants minutieusement. Le dimanche, les musiciens arrivent à 7H00 et installent la scène avec les câbles, les instruments, les micros, les projecteurs, le grand écran… À 10H00, le culte commence par le temps de louange d’une durée de 20 minutes, avec un total de 4 chants. Tout s’enchaîne de manière fluide ! Les musiciens restent sur la scène tout du long pour installer une « atmosphère d’adoration », qui se veut guidée par le Saint-Esprit. Cette grande implication révèle une certaine professionnalisation à Hillsong Paris. Cependant le but n’est pas le spectacle, mais la transmission de la foi. C’est rappelé régulièrement.
Dans la musique de louange réalisée à Paris, quelle est la part entre les modèles « importés » (de la maison mère, Hillsong en Australie) et les recompositions francophones ?
Lors de leurs cultes, Hillsong Paris reprend le répertoire de chants composés par les trois groupes de musique d’Hillsong. Les paroles sont alors traduites de l’anglais au français. Afin de les diffuser dans la francophonie, l’église a également créé son groupe de musique : Hillsong en français. Il a produit six albums, dont le dernier est sorti en février 2020 : Mains Nettes / Cœurs Purs. Il s’agit de la traduction en langue française d’une compilation de chants provenant des groupes de musique australiens (Hillsong Worship, Hillsong United et Hillsong Young & Free). Pour les enregistrements de ces albums, seules les voix sont enregistrées ; les arrangements instrumentaux sont les mêmes que les originaux composés par Sydney. Les pistes des parties instrumentales sont donc envoyées, depuis l’Australie, au groupe Hillsong en Français pour accompagner leurs voix françaises.
Mais il y a aussi, depuis peu, une production originale Hillsong francophone, qui n’est plus simplement importée ou adaptée de l’anglais. L’équipe de louange sollicitée pour les cultes de jeunes a ainsi créé́ son propre groupe de musique en 2018 : YouthFr. Contrairement à Hillsong en français, ce groupe compose ses propres chants. YouthFr a produit un EP et deux albums, dont le dernier Tu n’en as pas fini avec moi est sorti en avril 2020.
(1) Prisca Raoilison, La musique populaire dans l’Eglise, le phénomène des megachurches ; étude des instrumentistes de l’église Hillsong Paris, mémoire de Master de recherche en musique et musicologie, Sorbonne Université (dir. Hyacinthe Ravet), 2021 (244p)
(2) https://hillsong.com/fr/fact-sheet/, consulté le 14 octobre 2021