Les églises évangéliques tamoules en France

Héritières de l’histoire des protestantismes en Inde du Sud, les Eglises tamoules tissent aujourd’hui leurs réseaux en Europe et en France. Volet 2 de notre enquête sur ce pan ignoré de la diversité protestante en francophonie.

Les réseaux évangéliques tamouls s’appuient sur des missions, comme la Ceylan Pentecostal Mission (CPM), fort active en France, des ministères charismatiques, et l’évangélisation de terrain, via les fidèles et les assemblées locales. Les Eglises tamoules qui en résultent ne sont pas nombreuses en France. La première est sans doute la « Maison de la foi » implantée à Dieppe en 1953 par Benjamin Selvaratnam (1913-2004). Bernard Boutter a consacré à cet itinéraire pionnier une excellente notice[1]. Elles représenteraient aujourd’hui une quinzaine d’assemblées dans l’hexagone, mais leur décompte précis reste à faire. En raison de leur installation assez récente, peu d’entre-elles sont insérées dans les réseaux français existants -c’est le cas de l’Eglise apostolique tamoule de Paris, membre du CNEF-. En revanche, elles participent à d’autres réseaux, comme une pastorale tamoule en France, et la European Tamil Churches Alliance, qui a tenu conférence à Paris en 2016.

« Message en tamoul, traduction en français »

Très méconnues, leur impact communautaire dépasse cependant largement le cercle des pratiquants réguliers. Elles s’appuient aujourd’hui sur nombre de ministères d’évangélisation, dont beaucoup se transnationalisent. Le Festival de Bénédictions et de Miracles organisé par l’Eglise tamoule évangélique de Sion depuis 1991 en banlieue Nord de Paris attire ainsi, année après année, des prédicateurs tamouls de renom, comme Sathees Meshach, ou Paul et Evangeline Dhinakaran, du ministère tamoul « Jesus Call », à l’origine de la mise en place de près de 150 « tours de prière » en Inde et au-delà. L’expérience miraculeuse de l’action divine est généralement privilégiée, comme lors de « la réunion d’éveil » ou du Festival des miracles, tous deux organisés en 2015 par l’église évangélique tamoule des promesses, à Stains (93). Les affiches combinent souvent anglais, tamoul, et français. Sur des visuels évangéliques tamouls en Seine-Saint-Denis, on lit notamment « Festival de la Vérité », ou « Jésus Sauve, et Guérit fait des miracles », avec la précision suivante « Message en Tamoul, traduction en Français ». Ces églises sont généralement à forte majorité, voire exclusivement tamoules. Mais d’autres sont caractérisées par une grande diversité, à l’image de l’église de Pentecôte primitive étudiée par Bernard Urlacher[2]. Des liens sont également tissés avec les Eglises d’expression caribéennes et africaines francophones, comme l’illustre les invitations à précher, en assemblée tamoule, du pasteur Luc Saint-Louis (Eglises haïtiennes).

Echanges et ouverture

Plusieurs cas de couples mixtes franco-tamouls à la tête de l’église locale, comme les époux Selvaratnam (Benjamin épouse Marie, Française), ou Abel Ganeshan et son épouse Pascaline, à la tête de l’église évangélique de Sion, témoignent aussi d’échanges et d’ouverture sur la société française, loin de l’enclave communautariste. Par ailleurs, ces Eglises tamoules entretiennent des liens avec des Eglises non-tamoules, mais marquées par une influence des ministères pentecôtistes tamouls. La plus célèbre d’entre-elles est la megachurch multiculturelle Paris Centre Chrétien (PCC) à La Courneuve (93), fondée par le pasteur tamoul Selvaraj Rajiah (1952-2011). Cette Eglise, emblématique des recompositions évangéliques en francophonie depuis trente ans, apparaît dans le documentaire « Protestants de France » de Valérie Manns. Enfin, ces Eglises tamoules en France et en francophonie nourrissent aussi leur communion via le numérique, notamment une WebTV et une télévision satellitaire tamoule évangélique. La chaîne Youtube TCOTP[3] (plus de 1800 abonnés) donne un joli aperçu vidéo de l’apport méconnu de ce pentecôtisme tamoul à la mosaïque des Eglises de France.

[1] Bernard Boutter, « Un missionnaire pentecôtiste sri lankais dans la France des années 1950 : Benjamin Selvaratnam », blog de Bernard Boutter, online (15 août 2015).

[2] Bernard Urlacher, Pentecôtistes et évangélistes, prier, prophétiser, parler en langues, témoigner, internet, « Les services religieux de l’Eglise de Pentecôte primitive » (chapitre 2), ed Textes et prétextes, 2005, p.75 à 118.

[3] Cette chaîne évangélique tamoule TCOTP a été créée le 12 juillet 2010. Elle cumule plus de 720.000 vues à dater de septembre 2019.