A Madagascar, elle va stimuler le Réveil dans toute l’île. Beaucoup de sceptiques, à son contact, ressortent convaincus de son appel.
Portrait n°8 de notre série de l’été : chaque semaine, des portraits de femmes africaines qui ont marqué leur pays. Douze « amazones du Seigneur ».
Marquée par le protestantisme, Madagascar a été traversée par quatre grands mouvements de Réveil, étudiés par Seth Rasolondraibe. Ils se sont traduits par un accent sur la conversion, la délivrance, le combat spirituel, et une remobilisation communautaire. ces quatre vagues revivalistes ont impacté toutes les Églises. Jusqu’à 75% des luthériens malgaches se retrouveraient aujourd’hui dans le Mouvement de Réveil (Fifohazana) [1]. C’est à une femme, Germaine Volahavana dite Nenilava, que l’on doit l’impulsion revivaliste la plus significative.
C’est à l’Est de Madagascar, dans la région d’Ankaramalaza, que voit le jour Germaine. Fermée au christianisme, malgré une œuvre missionnaire norvégienne entreprise dans des conditions délicates (21 missionnaires y perdent la vie), cette région va pourtant connaître un Réveil protestant spectaculaire. Nenilava en a été la principale initiatrice.
Issue d’une famille noble, Germaine Volahavana grandit dans un milieu animiste marqué par le fétichisme, la divination, la sorcellerie. A l’adolescence, des visions l’orientent, par étapes, vers le Dieu trinitaire des chrétiens, et après son mariage avec Mosesy Tsirefo, un catéchiste protestant de 61 ans, elle se fait baptiser. Elle continue à manifester un intérêt soutenu pour les enseignements chrétiens, et leur traduction dans la vie. Dès ses vingt ans, elle revendique une vocation à évangéliser et chasser les démons. On lui attribue un premier miracle de délivrance le 1er août 1941. Bientôt, sa réputation grandit. Elle prêche, prie, impose les mains et exorcise ! Elle articule annonce évangélique et prise en charge concrète de la souffrance, qu’il s’agisse de maladie physique, syndromes dépressifs ou fractures émotionnelles. Proche des gens, déterminée et persévérante, elle s’attire un public croissant. Les foules accourent et la jeune femme entame un ministère d’évangéliste, de prophétesse, d’imposition des mains, conjuguant prédication sur Jésus et délivrance. Après la mort de son mari en 1949, elle poursuit et intensifie un ministère itinérant qui va la faire connaître dans toute la Grande île. Son empathie et sa piété impressionnent, à la fois par les mobilisations collectives autour de la prédication, mais aussi dans le soin apporté aux entretiens individuels, et l’accueil durable des plus fragiles.
Salut spirituel, délivrance spirituelle et guérison physique
Elle porte bien son surnom, Nenilava, qui signifie « mère grande ». Bientôt entourée d’une équipe de collaborateurs, elle se rend disponible. Nenilava travaille sans relâche à l’évangélisation et à la délivrance. Salut spirituel, délivrance spirituelle et guérison physique vont de pair. Sans enfants, elle devient une mère spirituelle pour des dizaines de milliers de Malgaches. De grande taille, d’excellente mémoire, dotée d’un charisme unanimement respecté et d’une énergie hors du commun, Nenilava va non seulement développer le Toby Ankaramalaza (centre de réveil d’Ankaramalaza) , le transformant en Centre d’accueil, mais aussi stimuler le Réveil dans toute l’île. Beaucoup de sceptiques, à son contact, ressortent convaincus de son appel.
A partir de 1971, son ministère d’évangéliste et de prophétesse s’internationalise, avec notamment des voyages en France, en Norvège et aux Etats-Unis. Interrogée par le roi de Norvège en 1973, elle répond, au sujet de son activité : “Je prêche l’évangile, soigne les aliénés mentaux, éduque les jeunes délinquants, élève les nourrissons et les vieillards” [2]. De l’hexagone, où cette francophone reste peu, Nenilava retire une impression pénible, rapportée ainsi par Albert Greiner : « Je sais que Nenilava s’est sentie très mal à l’aise à Paris. Elle avait le sentiment de vivre dans une ville et dans un pays totalement détournés du Seigneur. Je sais aussi que sa souffrance était grande de voir beaucoup de ses anciens fidèles avoir sombré dans l’absence de toute pratique religieuse » [3].
En dépit de son autorité, de son enseignement et de son annonce évangélique holistique, elle ne se prévaudra jamais du titre de prophétesse. Mais de très nombreux chrétiens malgaches l’ont reconnue comme telle en raison de sa vocation exceptionnelle et de son sens visionnaire du « hors piste », ouvrant des voies nouvelles. C’est sous son autorité et sa bénédiction que des promotions entières de ministères de « bergers » (hommes et femmes) ont été formés et envoyés ensuite dans toute l’île. Lorsqu’elle s’éteint, en 1998, on la pleure et la célèbre comme une des figures les plus marquantes du christianisme malgache contemporain.
[1] Seth Rasolondraibe, Le ministère de Berger dans les Églises protestantes de Madagascar, Fifohazana et Réforme dans le protestantisme, Carlisle, Langham, 2014, p.267.
[2] Cité par Berthe Raminosoa Rasoanalimanga, directrice du Centre National des Archives FJKM (1984-2007), article « Nenilava » dans le Dictionnaire Biographique des Chrétiens d’Afrique (online).
[3] Albert Greiner, Fraternité évangélique, p. 7, cité par Seth Rasolondraibe, op. cit., p.264.