Interview de Gaston Mwene Batende, coordonnateur de l’Observatoire Interdisciplinaire du Religieux en République Démocratique du Congo.
Le professeur Gaston Mwene Batende, établi à Kinshasa, est notamment l’auteur de l’ouvrage Le sacré et la quête de sens (2010), signalé par Regardsprotestants[1]. Il partage ici son analyse sur les nouveaux christianismes à Kinshasa, sur le rôle de l’OIR, et sur l’avenir de la langue française en milieu chrétien
Professeur Mwene Batende, pouvez-vous vous présenter ?
Je suis un enseignant chercheur congolais, docteur en sociologie de l’Université Catholique de Louvain, en Belgique, et professeur émérite de l’Université de Kinshasa (UNIKIN), Faculté des Sciences Sociales, administratives et politiques. Je suis par ailleurs coordonnateur de l’Observatoire Interdisciplinaire du Religieux en République Démocratique du Congo (OIR).
Combien d’étudiants, à l’Université de Kinshasa, font de la recherche sur les nouveaux christianismes au Congo ? Quels sont leurs principaux terrains d’étude ?
Nous ne disposons pas de chiffres précis à ce sujet. Mais au niveau du graduat, de la licence et du Diplôme d’Études Approfondies (DEA) de notre Faculté, nous avons répertorié une quarantaine d’étudiants. Au niveau du doctorat, nous avons pour l’instant trois thèses pour notre Faculté, et une thèse à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines.
L’intérêt des étudiants se porte sur l’étude des Églises de Réveil. C’est le sujet dominant. Ce sont des communautés chrétiennes récentes en République Démocratique du Congo. Elles sont nées du mouvement néo-pentecôtiste américain. Nos étudiants examinent leur affluence, et surtout les réponses qu’elles tentent de donner aux angoisses existentielles de leurs fidèles vivant dans une société en crise. Ces nouveaux christianismes mettent aussi en exergue la délivrance des esprits mauvais, le combat spirituel, les guérisons divines « miraculeuses », en instrumentalisant le nom de Jésus. Interviennent, également, la glossolalie, la diglossie (usage de la langue française interprétée dans une langue nationale, le lingala), au cours de prédications, les prières intenses, les intercessions, les croisades et les campagnes d’évangélisation, etc. pour ne citer que ces quelques éléments qui attirent l’attention soutenue de nos étudiants.
Vous dirigez l’Observatoire Interdisciplinaire du Religieux en République Démocratique du Congo (OIR). Pourquoi cette structure ?
Face à l’effervescence religieuse en République Démocratique du Congo et à son impact sur le vivre-ensemble des Congolais, nous avons jugé opportun de créer une structure scientifique interdisciplinaire susceptible d’étudier le religieux sous ses aspects multiples et divers, et dans une perspective prospective.
Cette structure doit permettre aux chercheurs de différentes disciplines scientifiques intéressés à l’étude du religieux d’examiner l’évolution religieuse dans ce pays, et de réfléchir profondément sur l’impact des tendances dominantes de cette évolution sur le devenir collectif de la nation congolaise.
Quelles sont les travaux en cours menés par l’Observatoire ? Quelle part occupent les nouveaux christianismes dans les terrains que vous étudiez ?
Nous sommes actuellement en train d’élaborer un essai de bibliographie indicative de la religiosité foisonnante en Afrique contemporaine. Ce sera un outil de travail pour nos chercheurs dans le développement des thématiques qui feront l’objet de nos études. Cet essai va paraître dans le prochain numéro de notre revue.
Par ailleurs, nous sommes en train de concevoir un projet de recherche qui nous permettra de récolter des données empiriques relatives au religieux sur le terrain de la ville de Kinshasa, foyer très actif de cette religiosité revivaliste. Nous disposerons ainsi d’une banque de données de terrain qui aideront nos chercheurs dans la problématisation de leurs thématiques. Je dois dire que les nouveaux christianismes occupent une part prépondérante dans nos études, eu égard à leur impact sur la vie sociale, familiale, spirituelle, culturelle, politique et économique des Congolais de la RDC.
Catholicisme et protestantisme en République Démocratique du Congo sont largement francophones. En tant que sociologue, quelles évolutions voyez-vous dans les usages chrétiens de la langue française ?
A mon avis, l’usage chrétien de la langue française subsistera dans les milieux urbains dont les fidèles chrétiens de ces églises parlent français. Mais il le sera de moins en moins dans les milieux ruraux et semi-ruraux quand nous prenons en considération les courants théologiques de l’inculturation (catholicisme) et de la contextualisation (protestantisme) du christianisme en Afrique, qui prônent l’usage progressif des langues locales dans les prédications et les rites liturgiques.
[1] http://regardsprotestants.com/sacre-et-quete-de-sens-en-rdc/