À l’approche d’un grand colloque sur l’évolution du pastorat en France, tenu à Paris les 14 et 15 mars 2016, c’est l’occasion d’en savoir plus sur l’Association des Pasteurs de France, par la voix de son président, Evert Veldhuizen.
Pasteur Evert Veldhuizen, pouvez-vous vous présenter ?
Né aux Pays-Bas, je suis arrivé en France en 1981, après mon mariage avec une française. J’ai appris le français à Paris. Nous avons cinq enfants, l’aîné est aussi pasteur. Je suis pasteur de l’EPUdF en poste dans le Poitou, j’ai un doctorat en Histoire des religions et je suis président de l’Association des Pasteurs de France.
Quelles sont les principales fonctions exercées par l’Association des Pasteurs de France ?
Pour reprendre les termes des Statuts, elle s’occupe de tout ce qui concerne les intérêts généraux et professionnels des pasteurs. Elle travaille à améliorer leur situation morale, sociale et économique. Et elle organise chaque année une Pastorale nationale, à laquelle participent des pasteurs de différentes Églises.
Fondée en 1920, l’APF est un syndicat, mais elle fonctionne comme une association professionnelle. Vous ne nous verrez pas faire une manifestation, en robe pastorale, hurlant des revendications, portant des banderoles, bloquant la rue devant les sièges des Églises ! Les relations fraternelles sont notre spécialité. Répondant aux appels qui nous sont adressés, nous intervenons sous forme de médiation ou de négociation. Dans la discrétion, parce que notre expérience a prouvé que c’est le plus efficace.
L’Association édite les Lettres de l’APF pour annoncer les Pastorales nationales annuelles, et Les Cahiers de l’APF qui publient les textes des interventions. Depuis quelques années, une partie de ces textes est diffusée sur le site internet de l’APF.
Quelle est la part des pasteurs francophones non-français dans l’APF ?
J’ignore le nombre exact, mais quelques dizaines de collègues francophones non-français exercent leur ministère au sein des Églises, Œuvres et Mouvements, membres de la Fédération protestante de France. Ils viennent principalement de l’Afrique francophone. Nombre d’entre eux participent régulièrement aux Pastorales nationales de l’APF et nous avons eu des membres d’origine africaine au Conseil d’administration, comme le regretté pasteur David Afonso. Quelques intervenants des Pastorales nationales sont d’origine africaine. La contribution de ces collègues est très précieuse, parce qu’ils approchent les questions par d’autres angles que les Européens. Ils nous aident à garder des perspectives larges, en nous empêchant de nous enfermer dans le quotidien franco-français.
Personnellement, j’apprécie beaucoup le sens d’humour et la joie de vivre des collègues d’origine africaine. Francophones, maîtrisant les subtilités de la langue, ils savent parfaitement intégrer leurs points de vue dans nos débats. Ils éclairent autrement les problématiques que nous Européens abordons parfois avec un peu trop de gravité.
Quelles sont les relations de l’APF avec d’autres organismes du même type, basés dans d’autres pays ?
Nous privilégions les relations en Europe latine. Mais dans ces pays, les organismes ne sont pas du même type que le nôtre. Les pasteurs des Églises vaudoises en Italie sont organisés par leur Corps pastoral, une instance de l’Église. L’APF, quant à elle, est totalement indépendante. Les pastorales des Églises historiques espagnoles et portugaises font aussi partie de leurs Églises. L’Europe latine nous a amenés à nous intéresser à l’Amérique latine, où nous avons également participé à des réunions de pasteurs. En Afrique, nous avons des relations notamment avec l’Église Évangélique au Maroc. Notre site internet a été repéré par des pasteurs en Afrique subsaharienne qui nous ont contacté par mail. Nous envisageons de nouer des liens avec des collègues dans ces pays.
Que représente pour vous la francophonie ?
Pouvoir se comprendre par la même langue est une chance formidable qui mérite d’être exploitée pour le bien des uns et des autres. Je me sens proche des collègues d’origine africaine, parce que nous parlons la même langue. La connaissance d’une langue ouvre des portes passionnantes à des femmes et des hommes vivant dans des cultures pourtant très différentes.
Je pense que la francophonie est une chance, et non un prolongement du colonialisme. D’origine non-francophone moi-même, j’ai une grande estime pour celles et ceux qui sont nés, comme moi, ailleurs, mais qui ont appris le français dès leur toute petite enfance. La francophonie, c’est un espace sur la carte du monde. En tant que pasteur, intéressé par l’histoire, je sais que les évolutions, respectivement dans le Nord et dans le Sud ont désormais totalement inversé la donne. Je salue avec reconnaissance la vitalité de la foi des Africains. Les Français ont contribué jadis à la propagation de l’Évangile dans le Sud. Cela allait de pair avec la diffusion de la langue française. A présent, la francophonie facilite la participation d’Africains à l’annonce de l’Évangile dans l’Hexagone. Plus qu’une chance, c’est une Grâce !