Cinq questions à Pascal Portoukalian, entrepreneur chrétien, engagé dans les Églises Évangéliques Arméniennes de France.
Cher Pascal, pouvez-vous vous présenter ?
J’ai 39 ans, je suis marié et nous avons 3 enfants. Je suis né en France, petit-fils de 4 grands-parents rescapés du génocide arménien. Je suis chrétien, engagé dans les Eglises Evangéliques Arméniennes de France, petite Union de 10 églises, elle-même très minoritaire parmi son peuple, lui-même minoritaire en France et dans le monde. Longtemps, j’étais membre de la plus petite des églises de notre Union. A l’image de Gédéon, petit parmi les petits, j’ai appris à m’en remettre à Dieu !
Je dirige une structure nommée « Paul & Séphora », anciennement « Séphora, la musique de la Vie », dont l’objet a longtemps été la production et la promotion d’artistes chrétiens francophones. L’activité s’est élargie autour de la distribution de nombreux produits, et elle s’élargira encore avec la création de la première marketplace chrétienne francophone, une sorte d’ « Amazon chrétien ».
Que signifie pour vous l’identité protestante, y compris sa tendance évangélique ?
Dans mon cas précis, l’identité protestante évangélique est un peu particulière. La Réforme dont sont issus les Evangéliques Arméniens n’est pas la même que celle de la plupart des Eglises Protestantes ou Evangéliques. Elle ne date que de 1846, bien qu’on en trouve les prémices dès le Xème siècle. Elle s’est formée au sein de l’Eglise Apostolique (schématiquement : Orthodoxe) Arménienne plutôt que Catholique.
Je me trouve donc au carrefour de deux héritages identitaires. J’ai fait mienne l’histoire de la Réforme Protestante, tout comme j’ai fait mienne l’histoire de France.
Si l’on prend votre question au sens plus large, je crois que ces identités – protestantes, évangéliques, catholiques, apostolique arménienne, … – sont des façons différentes d’approcher Dieu. Dans ces différentes composantes du christianisme, je connais des personnes authentiquement converties à Jésus-Christ. L’identité évangélique a ceci de particulier qu’elle nécessite d’être « professant », et que l’héritage familial ne préjuge pas d’une appartenance spirituelle. Il peut orienter des décisions, comme ce fut mon cas, mais il ne définit pas d’office une identité « de naissance ».
Vous proposez des ressources en matière de « lifestyle chrétien ». Pourquoi ce mot anglais, et que signifie pour vous le concept ?
Nous sommes à une étape charnière de l’Évangélisme en France. Les églises poussent (presque) comme des champignons, la foi se décomplexe et les Français sont de plus en plus nombreux à être au contact d’Évangéliques : collègues, amis, famille, ou église implantée dans leur rue.
La conséquence de cette croissance, c’est le risque de voir se développer, si l’on n’y prend pas garde, une « sous-culture » évangélique, dans laquelle nous aurions les bons codes – nos rituels, nos « stars », nos valeurs, nos repères culturels, notre vocabulaire – mais sans en avoir la substance. Les Évangéliques commencent à être assez nombreux pour pouvoir vivre dans le confort d’une « bulle chrétienne », dans un cocon.
Le lifestyle chrétien, c’est la conjonction de 3 éléments à vivre simultanément :
vivre une vraie relation avec Christ, et pas seulement adopter les codes chrétiens
vivre sa foi simplement dans la société en évitant de s’en tenir au confort du bocal évangélique
témoigner par sa façon d’être, sans nécessairement annoncer ouvertement l’Evangile. Cela n’exclue aucunement bien sûr le témoignage plus direct, mais il s’agit aussi de « vivre » en chrétien dans le monde.
Nous aimons dire que la foi chrétienne se vit, qu’elle imprègne tous les domaines de la vie quotidienne. Et si tel est le cas, alors des ressources extrêmement variées peuvent contribuer à vivre en chrétien et à alimenter sa foi. Certaines porteront ouvertement une empreinte chrétienne. Et d’autres non. C’est notre souhait avec Paul & Séphora : promouvoir des initiatives qui honorent Dieu, qui le font connaître, qui témoignent de vies transformées. C’est tout cela, le lifestyle chrétien.
Quel est le profil du public qui vient à vous ?
Nous sommes ouverts à toutes les composantes chrétiennes. Bien que nous trouvions historiquement un terreau plus réceptif parmi le public évangélique, nous touchons aujourd’hui des profils de plus en plus variés. De très nombreux Catholiques aujourd’hui veulent et vivent une relation plus profonde avec le Christ. Ils trouveront de quoi alimenter leur foi dans la plupart des ressources que nous proposons.
Que représente, dans la stratégie d’avenir de Paul & Séphora, la francophonie protestante ?
A court terme, elle est en effet un public plus réceptif : nous travaillons ou avons déjà travaillé avec des distributeurs de divers pays francophones. La francophonie protestante est une première étape. Moi-même très attaché à la langue française que je chéris et défends, j’ai à cœur la francophonie. C’est pourquoi on a cherché, à la place de lifestyle (mot anglais), un autre mot français. J’aurais préféré ! Mais on n’a pas trouvé. Soyez heureux qu’un terme plus approprié n’ait pas été trouvé en arménien !