« Frappez, et on vous ouvrira ». À cette parole évangélique fait écho une mission des médias : émettre un signal pour créer du lien et ouvrir des portes. Dans quelle logique de transmission s’inscrit l’offre des nouveaux médias d’Afrique protestante francophone ? Trois pôles viennent à l’esprit : l’initiation, l’imitation et la conversion.
L’initiation renvoie à la culture religieuse traditionnelle, pré-chrétienne. Elle repose sur une transmission contrôlée, codée, en partie secrète. Catholiques comme protestants francophones ont cherché, depuis la colonisation, à concilier initiation et catéchèse, y compris via leurs médias. Mais ce n’est pas facile. René Luneau, parmi d’autres, a consacré un livre à ce défi, où il s’interroge sur la compatibilité entre initiation et catéchèse(1).
L’initiation pose une difficulté double pour les médias protestants. D’abord, parce qu’elle va à l’encontre d’un but majeur des médias, qui est de transmettre à de très larges publics. Ensuite, parce que le protestantisme valorise classiquement l’accès direct à Dieu. L’initiation, non merci ! Cette double limite n’empêche cependant pas certains médias « nouvelle vague » de jouer la petite musique des initiés. Via codes payants ou offres de niche, sur fond de grande fragmentation du paysage médiatique, certains nourrissent l’illusion de petits « entre-soi », au risque de nourrir rumeurs et logiques complotistes (les initiés savent, les autres mentent).
Le second espace où se déploie le champ des médias protestants d’Afrique subsabarienne est celui de l’imitation. Imiter l’aîné, imiter l’ancien ou le référent, voici une posture souvent prêtée, à tort ou à raison, aux cultures africaines traditionnelles. « L’imitable dans la société traditionnelle est celui ou ce qui témoigne d’une intégrité morale », et l’éducation réussie passe souvent par une « bonne imitation », souligne Jules Pascal Zabre, auteur d’un ouvrage sur l’imitation comme « spiritualité chrétienne africaine »(2). En principe, le protestantisme se méfie de la tradition, accusée d’avoir pris le pas sur la Révélation. Mais les médias protestants francophones s’appuient néanmoins volontiers sur cette pédagogie de l’imitation : modèles biographiques, trajectoires charismatiques, prières de guérison sur écran se diffusent comme autant de modèles à imiter… Pédagogie par l’exemple ou machine à fabriquer du conformisme ?
Le troisième pôle autour duquel gravitent aujourd’hui les médias protestants francophones en Afrique subsaharienne est la conversion. De nombreux labels en portent la marque, à l’image du nom choisi par LMTV, réseau numérique francophone qui se présente comme « disponible jusqu’aux extrémités de la terre » (http://www.lumieredumonde.tv). La « lumière » qu’il s’agit de médiatiser est un message évangélique axé sur la transformation personnelle, la conversion au Royaume de Dieu. Fondé en 1991, le plus grand réseau évangélique médiatique francophone panafricain, la PEMA, qui diffuse dans 22 pays africains francophone, se voue au même objectif. Depuis ses studios de Cocody (Côte d’Ivoire), l’objectif est bien la « Proclamation de l’Évangile par les Médias en Afrique » (PEMA).
Conversion, imitation et initiation : trois pôles d’une médiasphère francophone qui confirment l’adaptabilité d’une polyphonie protestante sous le signe de la diversité.
(1) René Luneau, Enraciner l’Évangile. Initiations africaines et pédagogie de la foi, Paris, Cerf, 1982.
(2) Jules Pascal Zabre, L’imitation, spiritualité chrétienne africaine (préface du père François Frédéric Lot), Paris, L’Harmattan, 2004, p.145.