Les éditeurs le savent bien : pour diffuser et vendre aujourd’hui de la littérature francophone à destination du « marché protestant », mieux vaut ne pas tabler seulement sur la France.
C’est dans cette perspective qu’un vaste réseau transnational s’est constitué en association en 1983. Son nom ? La Centrale de Littérature Chrétienne Francophone (CLCF), identifiée par Jean-François Zorn comme un des grands traits d’union francophone protestants aujourd’hui.
Ce dernier souligne qu’à ses origines, elle était alors « un service d’entraide à l’intention des bibliothèques gérées par les institutions de formation théologique de langue française »[1]. Le périmètre d’action de la CLCF est large : il couvre en effet l’Océan Indien (Madagascar, Réunion, Maurice), toute l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest, le Pacifique (Polynésie française, Nouvelle Calédonie, Fidji) et les Caraïbes, avec en particulier Haïti. Dans ce dernier pays, c’est via le service protestant de mission (DEFAP) et la Plateforme Haïti, créée par la Fédération Protestante de France (FPF) en 2008, qu’elle œuvre sur le terrain. On la retrouve aussi, à un moindre degré, dans d’autres pays pas toujours considérés comme francophones, mais où l’on lit et l’on parle du français, comme le Liban.
Comment fonctionne ce service ? A caractère interconfessionnel, il a été élaboré en 1983 par les différents services missionnaires d’Églises protestantes de France (dont l’ERF, devenue EPUF) et de Suisse romande. Ces services étaient le DEFAP (Service protestant de mission, Paris, France), le DM (Département missionnaire romand, Lausanne, Suisse), la CEVAA (Communauté des Églises en mission, Paris puis Montpellier, France), et la COLUREOM (Commission luthérienne de relations avec les Églises d’Outre-Mer – Paris). L’objectif était double. Il s’agissait d’une part d’équiper les instituts théologiques de l’aire francophone des Suds, dans un contexte où les fonds d’ouvrages et de revues, dans les bibliothèques en langue française était encore limités, en particulier faute de moyens suffisants. Ce qui invitait à prodiguer une aide concrète dans l’approvisionnement de cette littérature protestante francophone, en surmontant les difficultés de circulation et de communication qui se présentent.
2 tonnes de revues de théologie données par Genève
Jean-François Zorn souligne qu’il s’agissait aussi, d’autre part, d’orienter « les donateurs potentiels de littérature, notamment les familles des pasteurs retraités ou décédés désireuses de ne pas dilapider une bibliothèque contenant des ouvrages de base et quelquefois des collections de revues introuvables ». Qui sait si un livre protestant poussiéreux, oublié sur une étagère nîmoise, ne peut trouver, sous les tropiques, une seconde vie ? En 2014, ce sont ainsi « plus de 2 tonnes de revues de théologie » qui sont données par l’Eglise protestante de Genève, suite à la fermeture du Centre Protestant d’Etudes de Genève[2]… Un défi pour l’acheminement, qui explique ce titre donné à la lettres de nouvelles d’automne 2014 : « La CLCF tourne à plein régime »…
Par ailleurs, en complément, la CLCF se donne aussi pour but d’aiguiller les dons financiers en direction de la littérature théologique protestante nécessaire aux étudiants et aux enseignants des instituts supérieurs de formation. Ces orientations, saluées par les partenaires francophones, ont rencontré un vif écho, et le service a pris rapidement son essor, en particulier sous la direction du pasteur Daniel Bach (secrétaire général). Constituée en association en 1993, la CLCF a rapidement élargi son périmètre d’action, à la mesure de la dilatation de l’espace francophone protestant. En 1983, à la naissance de la CLCF, ce sont quelques dizaines d’instituts théologiques d’Afrique et du Pacifique qui bénéficient du service. Dix ans plus tard, le cap des cent instituts est franchi. Lors du 25e anniversaire en 1998, on atteint 170 partenaires, alors que les prestations de la CLCF se diversifient année après année : un service de conseil et de formation en bibliothéconomie est ainsi mis en place, ainsi qu’une centrale d’achat.
Relais de nombreuses maisons d’édition dans la francophonie
« Servir par les livres ». Par la mise en œuvre de ce slogan, qui orne le site internet de l’association (http://servirparleslivres.com/lassociation/), la CLCF est devenue, à travers son réseau, le relais de nombreuses maisons d’édition de langue française, telle que Labor et Fides, Excelsis, Olivétan, Karthala, sans oublier la Société biblique française, « vecteur considérable d’une francophonie diversifiée » (Zorn) avec ses multiples éditions de la Bible. La CLCF, dotée depuis fin 2012 d’un nouveau logo combinant livres et colombe du Saint-Esprit, bénéficie du soutien financier reçu par les organismes missionnaires partenaires, français et suisses, ainsi que l’appui des fédérations protestantes des deux pays.
Identifiée comme un vecteur de diffusion et de soutien à la francophonie en matière de christianisme protestant, elle peut s’appuyer aussi sur une vraie reconnaissance et crédibilité dans les milieux politiques. Elle est aujourd’hui présidée, depuis l’automne 2015, par la pasteure Claire-Lise Oltz-Meyer (anciennement en poste à Madagascar) qui succède à Thierry Baldensperger, avec un agenda bien rempli.
[1] Jean-François Zorn, « Les protestants français et la francophonie », in S.Fath et KP.Willaime (dir.), La nouvelle France protestante, Genève, Labor et Fides, 2011, p.279-289.
[2] « La CLCF tourne à plein régime », La lettre de la CLCF (n°21), automne 2014, p.1.