C’est le plus grand édifice cultuel protestant francophone au monde. La visite de la Cathédrale du Centenaire Protestant, à Kinshasa (Congo RDC) ne laisse pas indifférent, tant le gigantisme des volumes, allié à la sobriété toute protestante de la décoration, invite à méditer.
Face à la tribune, rehaussée d’une grande croix dépouillée, pierre, ciment, bois, verre se conjuguent pour porter, sous un toit triangulaire bordé de tribunes, une nef gigantesque : 7500 places assises y sont disposées. Les bancs en bois accueillent les protestants de Kinshasa et, au‐delà, toutes celles et tous ceux qui viennent pour se recueillir et assister à un culte.
Comment comprendre l’ampleur architecturale et symbolique d’un tel édifice dans l’espace urbain kinois ? Il faudra un jour consacrer à ce monument religieux la monographie qu’il mérite.
Prospérité post-coloniale du protestantisme en RDC
Dédicacée en 1994 en présence des plus hautes autorités congolaises, la Cathédrale du Centenaire Protestant à Kinshasa illustre un fait social et religieux majeur au Congo RDC : la prospérité post-coloniale du protestantisme. Le Congo RDC a pourtant été colonisé par une puissance européenne très catholique, à savoir la Belgique. Durant toute la période coloniale, le roi Léopold, puis la tutelle belge dans son ensemble, ont fortement favorisé le catholicisme, même si le protestantisme a pu obtenir aussi droit de cité en terre congolaise. Par « effet boomerang« , cette situation privilégiée du catholicisme durant la douloureuse période coloniale a joué contre lui, une fois la décolonisation amorcée.
Les protestants, s’appuyant sur leurs atouts propres, ont alors beaucoup bénéficié d’une image nationaliste. Le protestantisme, soutien du Congo libre ? Pas si simple évidemment. Il reste que cette posture post-coloniale a conduit le pouvoir de Mobutu a encourager la visibilité des Églises protestantes, rassemblées pour la plupart, à partir de 1970, dans l’Église du Christ au Congo (ECC), ensemble fédératif analogue, en France, à la Fédération Protestante de France. Après une célébration en grandes pompes du premier centenaire de la présence protestante au Congo, en 1978, c’est le pouvoir congolais (appelé alors zaïrois) qui encouragé, main dans la main avec l’ECC, la construction du plus grand édifice religieux jamais érigé en terre congolaise. Accompagnée par le pasteur Itofo Bokambanza Bokeleale, président de l’Église du Christ au Congo, la construction a été planifiée au cœur de l’espace politique et symbolique kinois : le nouveau bâtiment, adossé à l’Université Protestante au Congo, se situe en effet à proximité immédiate du Palais du Peuple (le parlement congolais), sur la prestigieuse Avenue triomphale que chérissait le président Mobutu.
Alors que près de 40% de la population se rattache aujourd’hui au protestantisme dans ses diverses expressions, la Cathédrale du Centenaire à Kinshasa constitue le symbole architectural d’une nouvelle visibilité protestante francophone au cœur de la société… et de la politique congolaise. Le bâtiment est en effet régulièrement investi pour des célébrations religieuses patriotiques (anniversaires de l’indépendance), à tel point que certains pasteurs s’en inquiètent un peu, souhaitant que l’édifice reste à l’écart des campagnes électorales. La Cathédrale reste en effet vouée, d’abord et avant tout, à l’expression d’une spiritualité chrétienne protestante portée en particulier par la prédication et le chant.
En‐dehors du culte dominical, chaque mercredi à 17h, un « culte d’adoration » y est ainsi organisé, histoire de faire vivre semaine après semaine, au cœur d’une mégapole africaine où se bousculent ambitions, espoirs et désillusions, l’un des principes essentiels de la Réforme protestante : Soli Deo Gloria.