Fondée par le pasteur Cosnard, l’association Eurasia (originellement nommée AEFA) a tissé de nombreux liens entre la « France protestante » et le Vietnam après les fractures de la décolonisation.
Après un premier contact dès l’année 1973, alors que la seconde Guerre du Vietnam n’est pas encore terminée, le pasteur pentecôtiste français Roland Cosnard fonde l’AEFA en 1980, « œuvre nationale et internationale en faveur d’un pays francophone de l’Asie du Sud-Est ».
Huguenots nîmois et héritiers d’Hô Chi Minh
Une structure légère est d’abord mise en place pour accueillir les boat people réfugiés en France, répartis dans 45 centres d’accueil sur le territoire français. Durant les premières années, il n’y a pas d’échange direct sur le terrain au Vietnam. C’est en 1988 qu’un premier conteneur peut être expédié à Hanoï, grâce à un soutien nîmois (association ASH). Quand les héritiers des huguenots tendent la main aux enfants d’Hô Chi Minh…
L’AEFA, conduite par le pasteur Cosnard et son équipe, prend par la suite le nom d’Eurasia. Depuis la fin des années 1980, cette association, qui peu à peu s’étoffe, va multiplier les échanges avec le Vietnam. Au milieu des années 1990, elle peut se prévaloir de l’envoi de 32 conteneurs de 39m3 de matériel chirurgical, médical, de médicaments, de nourriture et de vêtements. Cet effort considérable a mobilisé, en amont, une mise en réseau de donateurs, dans la région de Nîmes et au-delà, afin de centraliser les colis, les conditionner et les expédier. En aval, le projet a demandé aussi, au Vietnam, un travail de diplomatie et de relai afin que les destinataires des colis soient le plus équitablement pourvus, évitant les impasses administratives et les prédations.
Coopération scolaire et religieuse
En parallèle, une œuvre de parrainage d’enfants s’est également développée sous l’impulsion de l’AEFA, créant du lien avec des familles françaises. L’association va plus loin : elle s’engage en effet dans un soutien à la construction d’écoles à Que Loc (province de Da Lang) et à Phuoc Thiem (province de Don Nai). Grâce à une amitié tissée avec le président du Comité populaire (municipalité) de la ville de Da Nang, un effort particulier peut être entrepris dans cette ville, au fil des rencontres. Homme de contact, Roland Cosnard, surnommé plus tard « apôtre du Vietnam » , n’a pas son pareil tisser des relations de coopération, pour inspirer confiance, et faire avancer des projets communs. En 1994, le pasteur Cosnard dressait ainsi ce bilan provisoire :
« Nous sommes arrivés à scolariser 1 522 enfants accompagnés d’un suivi médical. En 1994, nous avons eu un camp d’été qui a réuni 857 enfants. Deux spécialistes pour les enfants sont venus de France (C. Ensminger et P.Calzada)… Dans le même temps, notre dispensaire de Da Nang recevait les 18 000 familles pauvres de la ville. À Que Nonh (district de Que Son) nous avons construit un puits qu’ils attendaient depuis trente ans »(2). Une école maternelle est également construite à Que Loc, dans la même province.
Ces volets médicaux, scolaires et éducatifs au sens large se sont doublés d’un versant plus religieux et spirituel, avec la traduction progressive, l’impression et l’édition de plusieurs dizaines d’ouvrages pentecôtistes. Les lire en langue française n’aurait pas permis une diffusion suffisante, dans un contexte de fort recul de la pratique du français au Vietnam : en traduisant ces ouvrages du français ou de l’anglais vers la langue vietnamienne, l’association conduite par le pasteur français Roland Cosnard a nourri la présence protestante vietnamienne, dans un contexte de forte surveillance des Églises. Une œuvre à multiples facettes qui a fortement contribué, dans un contexte postcolonial troublé, au maintien de relations entre la « France protestante » et la « perle de l’Asie ».
(1) Camille Castres, « Pasteur Cosnard, l’apôtre du Vietnam », Réforme, 4 avril 2012, p.18.
(2) Document inédit Archives R.Cosnard/notes C.Polo-Riva, mémoire aimablement communiqué par Charles Polo-Riva (Archives privées).