Pourquoi le christianisme est-il perçu comme étant « la religion du Blanc » dans des pays et communautés non occidentales ? Une réflexion de Josiane Ngongang, prédicatrice protestante.
Formatrice, prédicatrice protestante (EPUdF), Josiane Ngongang maîtrise avec bienveillance et patience l’art délicat de l’exhortation pédagogique. Invitée en juin 2023 par l’Eglise La Bonne Nouvelle de La Roche-sur-Yon, elle a délivré un enseignement interactif sur l’enjeu du racisme.
Dans une série de cinq vidéos passionnantes postées sur YouTube à la suite de ces interventions, elle nous convie à une réflexion salutaire sur l’enjeu concret et éthique posé par le racisme dans les Eglises.
Dans ce troisième épisode, Josiane Ngongang invite les Eglises à un retour réflexif sur leur histoire et leurs pratiques : le racisme n’est pas seulement un problème externe, il joue aussi dans les paroisses et Églises locales. Alors, cap sur l’examen de conscience.
Jésus, « le Dieu des blancs » ?
Elle rappelle pour commencer la prévalence, dans les communautés non-occidentales, de l’idée que Jésus serait « le Dieu des blancs », et le christianisme, « la religion des blancs ». Ces représentations faussées s’appuient sur une occidentalisation du christianisme, qui a eu tendance à superposer au message chrétien une culture particulière, la culture européenne. En oubliant que « l’Évangile est arrivé en Afrique avant d’arriver en Europe du Nord ».
Sans jamais tomber dans la caricature, Josiane Ngongang plaide pour un réexamen lucide de certaines dérives racistes dans lesquelles sont tombés nombre de chrétiens et d’Églises, avec les exemples suivants : l’usage frauduleux d’une « malédiction de Cham » qui vouerait les noirs à l’infériorisation, le recours à la Commonwealth Bible (1807), Bible expurgée pour les esclaves, ou le rôle ambivalent des missionnaires, souvent liés à l’entreprise coloniale.
Les voyages « missionnaires »
Elle souligne combien ces rapports de force hérités d’une hiérarchisation entre les peuples subsistent parfois, aujourd’hui, de manière insidieuse. Par exemple, dans l’organisation de certains voyages missionnaires vers « le Sud », depuis l’Europe ou l’Amérique du Nord, où l’on vient avec une position de supériorité : « on a des trucs à vous apporter »…. Alors qu’on se rend dans un pays plus christianisé que le pays européen qui envoie les missionnaires. « On aurait besoin de plus de missions dans l’autre sens », fait observer Josiane Ngongang, tant les christianismes issus des ex-colonies ont bien des choses à transmettre, et à enseigner, aux chrétiens de l’hémisphère Nord. Si les missions chrétiennes, aujourd’hui, ressemblent parfois à des entreprises (néo)coloniales, comment s’étonner qu’elles ne soient pas bien accueillies ?
Sans jamais perdre le fil d’un déroulé didactique bienveillant et informé, Josiane Ngongang invite les Églises protestantes à approfondir un travail de décentrement théologique. Au lieu de dire « je fais de la théologie », il faudrait dire « je fais de la théologie occidentale ». Et si l’on ouvrait d’avantage les fenêtres pour élargir l’horizon, et chasser les zones d’ombre ?
Luttons contre le racisme dans la société et dans l’Eglise.
Session 3 : Le racisme et l’Eglise – Vidéo du 17 juin 2023